Il a fallu qu'un jour Dieu appelle
A la veille de la Coupe du Monde de Football, les esprits
s’échauffent. Mais l’hiver est long, et comme les JO de Vancouver s’annoncent
tristes (quoique les premières médailles sont annoncées), là-bas au-delà du
Rhein, on reprendrait bien un petit coup de Carnaval, pas seulement à Köln ou
dans les autres grandes cités, mais dans les cafs les plus retirés des
campagnes, histoire de retrouver ses bons esprits quand le corps aura assez
exulté. Quelqu’un d’important le rappelait à la télé : “Pendant le Carnaval,
la morale est en vacances“. Eh oui pensez donc, c’est qu’il va falloir encore
ramer pour aller jusqu’au mois de juillet lorsque débutera la grand-messe du
Mondial 2010 ! On y pense. Cela redonne du courage à certains lorsqu’il faut
traverser les conflits sociaux habituels avec un risque de licenciement qui
pèse presque sur chaque tête. Mais crise ou pas crise, il faut se débrouiller.
Peu à peu tout le monde finit par s’en rendre compte : il n’y a que les
puissants qui réussissent , et malheureux les faibles à qui le pain, le toit
(et plus) viennent à manquer...
Je me demande d’où ils viennent ceux-là ! Ils n’ont qu’un
mot à la bouche, et c’est un mot en anglais (ou anglophone). Ne cherche pas
lequel (c’est n’importe lequel). Ce sont des mots à la mode. J’avoue que
parfois j’aimerais être un singe rien que pour leur tirer la langue, à tous
ceux qui font une religion de ces mots : Manager, performance, team...
Jamais notre époque n’a été aussi individualiste ! Et voici
un manager venu directement de la planète Mars qui vient nous motiver afin
d’être plus performant en nous mettant d’office au sein d’un team. Un team !!!
Un team... oui un team, comme dans une équipe de foot. Une équipe de foot qui va
gagner la Coupe du Monde ! Mais si ! Non mon crâne n’est pas bourré. Mon team
va gagner ! On va être les plus forts, les plus beaux, les plus riches (et les
plus cons). Je crois au Père Noel mais quand même ! A la fin on va se faire
licencier parce que notre compétence ne correspond pas tout à fait à l’attente
requise... On aura peut-être fait une petite faute (un petit coup de boule
donné comme ça en passant, une petite main levée dans l’instinct, mais rien de
gravissime). Chez Telecom, ils se suicident !
Je me souviens, j’attendais mon train à la gare de l’Est et
pour tuer le temps (je n’avais pas de fusil), je me balladais donc aux
alentours. La nuit commençait à tomber et, comme
d’habitude, les gens se grouillaient. Personne ne me regardait, sauf les femmes
qui faisaient le tapin. Puis, en face de l’èglise sainte Machin, j’ai remarqué
un mendiant. Je me suis approché. Il était appuyé le dos contre le mur et
offrait l’apparence d’un homme très fatigué. Avec son béret, son regard fixe,
sa barbe de quelques jours, sa peau brillante couleur bronze sous le soleil
couchant, je le trouvai beau cet homme (malgré tout). Je lui souris et lui
demandai la permission de le prendre en photo. Il fit oui de la tête.
Lorsqu’on prend quelqu’un en photo, surtout en portrait, on
voit réellement la personne parce qu’on la regarde dans les yeux. Il y a ainsi
une communication qui se fait uniquement à travers les yeux. Avec cet homme,
tout son regard me disait la détresse qu’il traînait. Il n’avait pas besoin de
parler pour que je comprenne. Et il ne prononça aucun mot. Sans être un
vieillard, il semblait au bout de son existence. Je lui remis une poignée de
pièces. Ce fut peut-être son seul bonheur du jour, d’avoir enfin de quoi
acheter l’alcool... qui sert à oublier.
Eh oui, si l’on n’est pas gagnant, on est perdant ! La vie n’est vraiment pas drôle ! Pour les réels perdants de l’existence, c’est une voie facile que celle de l’alcool ou autre élixir permettant d’oublier. Mais bon, heureusement qu’il y a d’autres voies... à la gare de l’Est !
©Guy Marchal
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